Shandur

Voilà l’histoire : venu à Phandar pour un mariage, Shabir est tombé en panne avec son vieux tacot. Il revient le chercher, accompagné d’un ami et d’un mécanicien.

Sauf que la voiture n’est vraiment pas en pleine forme, même après intervention du mécano. Bref, on décolle quand même.

Au bout de 100 mètres, on est pris à partie par une centaine d’hommes en colère. On nous dit que la route est fermée, ça commence bien. Les manifestants nous laissent finalement passer, leur colère n’étant pas dirigée contre nous mais contre les habitants de la vallée voisine du Swat, pour une obscure histoire de terres. Grève générale dans la vallée !

La route goudronnée n’est plus qu’un vague souvenir. On cahote sur une piste en piteux état. Alors, profitant d’un arrêt, Shabir le farceur me dit de monter dans le bon véhicule et laisse le tacot aux deux autres, qui n’ont pas le temps de réagir.

Ça va bien mieux, et Izakh fonce vers le col sans se soucier des autres. La montée est très délicate, et je ne peux m’empêcher de penser que le vieux Suzuki qui est censé nous suivre risque de souffrir.

En haut du col qui marque la frontière entre le Gilgit-Baltistan et la province des Frontières du Nord-ouest, se trouve un lieu célèbre dans tout le pays : le plus haut terrain de polo au monde. (Sport qui aurait été inventé dans la région.) Tous les ans, début juillet – grrr, j’ai raté ça ! – se déroule pendant trois jours un festival de « no-rule polo ». Ce Crunch oppose les deux équipes de Gilgit et Chitrâl et attire des dizaines de milliers de spectateurs.

Très bien, sauf que, évidemment, pas de nouvelles du Suzuki. Finalement, on redescend à la rencontre du véhicule… qui était tombé en panne. Les amis se disputent : les outils étaient dans notre voiture. Tout est bien qui finit bien ?

Pas vraiment car il faut maintenant monter le col. Et il ne faut pas plus de 200 mètres pour que le moteur refuse à nouveau d’avancer. Ça a l’air sérieux et le mécanicien s’affaire pendant des heures. On me dit qu’on me mettra dans le premier véhicule qui passe. Sauf que c’est la grève dans la vallée. Personne ne passe. Enfin, un bus apparaît mais il est évidemment surchargé. Mais miracle, le moteur repart.

200 mètres plus loin, c’est fini… La voiture rend définitivement l’âme. Mais on ne peut pas la laisser là alors on part négocier une corde chez les bergers des environs pour tracter l’épave jusqu’au col. Une corde très rustique…

On pousse dur… la corde lâche une fois, deux fois, trois fois… Au bout de la énième tentative pour la retresser, je propose qu’on démonte une ceinture de sécurité en guise de harnais. Pour ce qu’elles servent ici, de toute façon… Cette fois, c’est la bonne, et la ceinture a l’élégance de ne lâcher qu’en haut du col. La mission de sauvetage du Suzuki a échoué, on l’abandonne…

Commence une descente épique. La nuit tombe et la pleine lune joue aux ombres chinoises avec les sommets déchiquetés. On devine des glaciers, on traverse des torrents à gué.

Il aura fallu 20h au lieu de 8 pour enfin atteindre Chitrâl, épuisés et poussiéreux…

6 commentaires sur “Shandur

  1. Tu n’avais pas dit que tu avais quelques jours d’avance sur ton plan de route ????? 😂😂😂
    Tu nous racontes là une super épopée. On s’y croirait. Mais je pense que toi tu as dû passer par toutes sortes d’états d’âme dans cette rude journée.
    Je suppose que tous tes interlocuteurs parlent anglais
    Je retiens que tu sais toujours attirer la solidarité des gens que tu rencontres et c’est chouette
    Bonne nuit Vincent😚

  2. Quels joyaux ces photos !
    Comme j aimerais marcher vers ces montagnes, courir sur le sentier de terre battue!
    C est vraiment un bel appel au voyage…

  3. La grève ?!? Trop occidentalisés ces gens… L’esprit tribu et vallées prédomine toujours…. Bon reflet de quelques reportages d’ici… l’aventure quoi ! Content que ton plan de route se déroule bien… Bonne continuation… Bisous

  4. Quelle aventure ! Ça pourrait faire un film d’aventure comique (avec Pierre Richard) et on n’y croirait pas… Comme quoi, la réalité dépasse la fiction !
    Merci Vincent

    1. Tu es très observateur 🙂 oui, on roule à gauche ici. Héritage du temps où le Pakistan, l’Inde et le Bangladesh étaient un seul et même pays, gouverné par les Anglais…

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